Dans la mythologie de l’Indus qui précéda celle de la Grèce de plusieurs millénaires, Shiva était successivement nommé Ar-Ka, Lin-Ga, et Maya ou Mana.
En le nommant ainsi, l’Indus nommait moins une divinité que le phénomène de la manifestation et son origine: Ar-Ka, sa première dénomination, désignait le jeu initial de deux puissances potentielles (les Deva) dont l’interaction des forces était de nature à structurer et situer un espace et un temps. Maya, son dernier nom, désignait le résultat final de cette manifestation (Mana), par définition illusoire puisqu’elle était le fruit temporaire et localisé d’un équilibre précaire né de l’interaction de ces deux forces archaïques.
Lin-Ga désignait le processus de mise en œuvre de la manifestation : avec Shiva et sa ShaKti, comme maîtres d’œuvre, l’A-na du néant, sous l’influence du souffle du Pra-na, prenait la forme d’un « Lin-Ga » aboutissant à l’éclatement d’une étincelle que l’Indus nommait Na-da, et dont la réalité manifestée Ma-Na, à laquelle nous sommes sensibles, serait le produit ou le résultat.
En récitant phonétiquement cette lé-gende du Lin-Ga pendant plusieurs millénaires, et en la présentant comme dérivée d’une Parole traditionnelle, les brahmanes de l’Indus ont fondé puis développé un mythe, et ils ont contribué dans le même temps à l’élaboration d’un proto-langage indo-européen consonantique et à celle d’une langue sacrée, le sanscrit, inspiré du Védique des Védas. Dit avec le mot grec, ils posaient des « Hiero-Logoï » (des discours sacrés).
Ils ont témoigné à leur manière d’une origine de notre monde, et ils ont en même temps proposé aux hommes les critères d’une éthique philosophique et ceux d’une morale politique. Nous avons conservé une part de leurs enseignements, et nous continuons de nous référer sous des formes diverses à une origine, une manifestation-apparition, voire à une illusion de la réalité manifestée.
Ils ont également doublement témoigné d’une Parole : ils ont fait de l’Homme l’héritier de la divinité en imaginant que l’avatar de Vishnou avait confié au premier Homme – Manuh-Prthi – la faculté de lire la réalité et d’en avoir une intelligence, et ils ont fait des hommes des êtres en mesure de poser leurs langues, de manière à accéder aux mystères de la réalité visible et invisible occultée par l’illusion. Ils ont désigné en ce sens Manuh : « Le Grand Législateur », parce qu’il avait l’Intel-Ligence de la réalité – il devinait la divinité grâce aux « Védas » -, et la capacité et l’élégance d’élaborer une Grammaire lui permettant de la « Dire » avec les « Mantras » ; les grecs évoqueraient une « Mantique » en signifiant ainsi la dimension oraculaire – donc pré-dictive - de ce Manuh.
Ils ont formulé l’hypothèse que l’Homme à l’image de Manuh, était, grâce à l’avatar, en mesure de lire la réalité, et d’y reconnaître en conséquence les signes qui lui permettraient d’outrepasser l’illusion.
En d’autres termes, ils ont formulé l’hypothèse que l’Homme était en mesure de co-naitre le Lin-Ga de la manifestation, et d’imaginer en conséquence l’enseignement à déduire du legs de ce Linga, ce que les français depuis Platon nomment une « Réflexion » et les allemands « Die Uber-Legung ».
Ils ont formulé aussi l’hypothèse que l’Homme qui avait la faculté de lire les éléments constitutifs de ce Lin-Ga (nommé avec le son « Gu » sanscrit), avait également celle d’élaborer une Grammaire autorisant le langage en agglomérant ces signes.
En d’autres termes, ils ont émis l’hypothèse que l’Homme par sa réflexion, était non seulement en mesure de lire les signes de la réalité visible et invisible occultés par l’illusion existentielle, mais qu’il était aussi en mesure de les rassembler en leur donnant la forme – les allemands disent Gestalt - de symboles et en les recueillant au sein d’une grammaire.
Avec le verbe « Le-Gein », les grecs affirmaient une hypothèse comparable : avec ce verbe associé au Lo-Gos – le Verbe de Héraclite et de Platon, dont nos mots intel-ligence, élégance, législation, lexique, et logique sont un legs phonétique -, ils désignaient la faculté de l’Homme de signifier et de questionner sa réflexion en s’appropriant le Logos ou le Verbe de la Théorie, dont la mise en œuvre précédait la « Lexis » de la Parole de la Praxis, et le « Poïein » posant sa mise en forme.
Avec le « Lie-Gen » et le « Le-Gen » germaniques, Heidegger affirmait pour sa part que l’Homme avait grâce au langage la faculté de Glaner, de mettre à plat, et de mettre en œuvre une Gestalt de nature à élaborer sa Grammaire – les français diraient « Al-Lon-Guer » -.
Le mot grec Legein, comme les mots allemands Liegen et Legen, le mot latin Legere, le mot scandinave du vieux norois Lagu, ou bien encore le nom de Lug (le soleil, donc la Light) des celtes, ou le Ling des chinois (leur Zéro) sont structurés avec la base de la même syllabe bilitère (LG) que le Lin-Ga désignant la manifestation des shivaïtes de l’Indus.
Chacun de ces mots, (Legein, Liegen, Legen, Legere, Logos, Lagu ou Lug) est structuré avec les deux consonnes « L » et « G », qui, associées, constituent une syllabe témoignant d’une élaboration et renvoyant à une base indo européenne, ou une racine, en l’occurrence : LG, et expriment ensemble un concept.
Tous renvoient à une Gonie, une Gnose, une Gestalt, un Gan, un Gard(en), ou une Guna, donc à une gestation commune, et témoignent, au moins phonétiquement, que l’homophonie pourrait s’inscrire dans une perspective sémiologique, et qu’elle constitue donc ainsi une piste pour l’épistémologie, et l’un des repères de cette piste pour découvrir nos paradigmes culturels.