Le lexique consonantique

La Matière Manifestée

D - Le D de la Dualité

Le sème « D » désigne à la fois le Dessin et le Dessein :
Il signale la Dimension – les latins diraient l’aspect qui s’observe - de la forme de l’objet paru dans l’espace, donc tel qu’il est perçu. La Grèce nommait à ce titre « l’Eidos » en s’inspirant de sa manière de dire le verbe Voir : Eidein.
Mais il désigne aussi la façon de faire qui a donné ou qui donnera à terme une forme à l’objet. Il indique en ce sens le mode ou les modalités de sa facture dans le temps, voire le modèle qui préside à cette façon de faire ou d’édifier. Platon a associé en ce sens l’Eidos et l’Idée, en suggérant que l’Eidos de la forme renvoyait également à une idée ou un archétype abstrait figé à l’opportunité d’une création existentielle.
La langue française, qui l’emploie pour nommer le Dire, suggère ainsi de ce point de vue que le phonème « D » qui dessine l’objet, dit à la fois la direction définie par sa dimension, et la manière de l’Homme de (se) diriger (Dire comment agir) son devenir.

La consonne « D » est donc indissociable du « T » de l’étendue et du temps tels qu’ils sont parus :
Les deux consonnes DenTales (DT), l’une et l’autre prononcées avec la langue et les dents, rappellent que le « D » renvoie à la forme parue à l’opportunité de l’apparition ou de la manifestation du « T », qui distingue l’éTendue et le Ton perceptibles, d’une réalité intelligible (l’eidos platonicien des grecs est en ce sens associé aux mots grecs : hora-ton et noé-ton).
Elles renvoient au proto langage indo européen et aux syllabes Dhg, Dheu et Do, qui situent l’objet dans l’espace et dans le temps issus de l’apparition du « T », et suggèrent les notions de Discernement, de Début et de Direction (les Die ou Day du jour), de Durée et de Destin (le Décés ou la Death), ou celles de Distribution, donc de Décision (Le Deux du Duo).
La langue anglaise dit en ce sens le « To Do », qu’elle distingue du « To Make » matériel : elle suggère, à l’image de la langue Hindi qui nomme le Deux : Dho (donc aussi à l’image du Français), que la forme est par définition le début de la pluralité : le Two, à naître de l’unité. Et elle associe au passage le Do au Two en vertu du mouvement (W) dont résulte le Two.

Le phonème « D » du Dao de Confucius le chinois (qui se distingue mais s’apparente au Tao de Lao Tseu) et de Démocrite le grec, avec lequel l’Indus prononçait les Ad-Dittis et nommait ainsi les principes de l’univers, renvoie donc aussi bien, à la dualité de la voie dans l’espace et à la décision que sa direction suppose, qu’au destin dans le temps et l’éventuelle détermination qu’il impose.

Il nomme la Dualité de la direction dans l’espace. Le sème « D » qui initialise le mot Doigt des français est en ce sens le symbole du choix à opérer, donc de la décision qu’il suppose, et de la direction qu’il propose. Il nomme à la fois la décision et la voie : la porte, le seuil, le choix, ou l’orientation, du Daleth des hébreux, à l’image de l’EDen du Gan biblique à celle d’EDna, la mère d’Abraham, mais aussi le seuil de la connaissance à franchir à l’instar du D’aath de l’arbre séphirotique.

En posant le nom de Dionysios (les Dyaus et Nysios indiens), le mythe grec s’est inscrit dans cette même perspective et il a fait de Dyonisios, par son récit, le symbole d’une double naissance. En le désignant comme né successivement de Sémélé, sa mère, puis de Zeus, suite à la disparition de Sémélé brulée en raison du regard qu’elle porta sur Zeus, il a posé avec sa formulation, le « D » de la dualité de la direction et du destin que le déploiement du « Z » de (d)Zeus propose ou impose à l’homme qui en est né.
De même, la mythologie slave a laissé la trace d’un Dyonisios folklorique mais néanmoins symbolique : la figure tutélaire du grand père Dyedushka Vo-Dyanoy dont le territoire est le fleuve, donc acqueux, et qui prend tour à tour le visage de l’ogre ou du grand méchant loup et celui du prince charmant, rappelle que la matière naturelle dont il est issu est aquatique, et symbolise la bipolarité de l’être né de la matière, qui alternativement apporte bienfaits et malédictions. Elle rappelle à la fois que ce héros dual est Vodyanaov et renvoie au vivant, et qu’il est Dyedushka, et à ce titre l’ancêtre naturel et éternel de l’humain qu’il détermine.

Toutes les langues recourent en ce sens à ce phonème « D » qui initialise le nom des Dogons africains pour dire la voie ou la Douat des égyptiens de l’antiquité, donc la Dualité, qu’il s’agisse des langues asiatiques, qui nomment le Do japonais ou le Dao chinois, des langues sémitiques dont le Daleth des hébreux ou le Da du Kaïd et de l’al Qaï-Da des arabes disent également à leurs manières respectives la voie, l’option, et la direction, ou des langues nord européennes dont les Das, Die et Der des germains rappellent les genres nés de la matière, et dont le Do des anglais renvoie à la téléologie du faire.
A l’inverse, situer le phonème « D » en postposition comme en anglais (le passé de la conjugaison en « eD » par exemple, mais aussi le « D » final de l’End, de la Hand/la main qui expérimente, ou du Made qui signe la production) exprime un pari culturel différent, et consiste à privilégier ainsi le déterminé a posteriori par l’action et consécutif à l’expérience, en le substituant au déterminant a priori qui imposerait un devenir.

En initialisant la dénomination de Dédale, le « D » nomme d’évidence l’architecte du laboratoire de la forme au sein duquel l’Homme, demi-dieu, s’efforce d’élaborer le préalable de la dimension. Il fait ainsi de Dédale le héros de la destination, et du choix qu’elle impose matériellement, comme celui du devenir et du choix suggéré à IKare.

Les langues méditerranéennes nomment en ce sens avec le « D », outre la dualité du choix et de la direction, la destination du devenir dans le temps. ŒDipe, le héros grecs n’est pas alors, de ce point de vue, seulement boiteux. Sa dénomination le prédispose à connaître son destin : il est appelé à tuer son père en rejoignant Thèbes, à aimer sa mère, la reine qu’il a faite veuve, à donner naissance à Antigone, sa fille et sa sœur, mais il est surtout destiné à « Voir » dés lors qu’il perdra l’usage de sa vue, et à saisir alors en conscience, donc en discernant, qu’il fut dirigé par son destin en dépit de sa volonté de le maîtriser.

Il est à ce titre au cœur du choix dans la manière d’envisager la décision qui est le propre de l’Homme. Il traduit ou suggère un pari philosophique : le « D » en ce sens éDuque autant la manière d’élaborer un chemin qu’il en indique les étapes, et il formate en conséquence la pensée du locuteur qui l’emploie.

A l’image du grec, la langue latine inspirée de l’Indus a fait par exemple de ce phonème l’initiale nommant le Duodécimal (en vertu du Dho du Deux hindi), et a défini ainsi une dynamique proposée par le récit mythologique. Les douze signes du zodiaque comme les douze lunes de la mésopotamie, bien que figurées différemment, qui renvoient au système duodécimal avec lequel les mythes ont structuré le temps, et dont nous avons conservé les heures, les minutes et les mois, les douze dieux du banquet de l’Olympe, les douze travaux d’Heraklès, les douze apôtres de l’évangile, les douze causes (Ni-Danas) des Boudhistes, ou les douze haches d’Ulysse, sont à ce titre les figurations symboliques des repères d’un fil directeur de la connaissance, destiné à tisser le texte d’un Dogme qui se veut universel.
Elle a cependant trahi en la traduisant la langue de Moïse, qui a nommé Shevatim pour désigner l’unité des douze tribus d’Israël (Shebeth), rappelant à dessein que les branches du peuple élu, quoique distinctes (le douze hébraïque, Shnayim, renvoyant au deux), renvoyaient ainsi ensemble au « Sh » du monde enchanté et à la dualité d’Aïsh et Aïsha.

Le phonème « D » rappelle à ces titres divers, qu’il renvoie en ce sens à l’ordre providentiel du Dharma, autant qu’à l’ordre que se donnent les hommes pour discipliner leurs existences.