Le lexique consonantique

L'Origine Enchantée

S - Le « S » essentiel

Le sème « S » désigne l’essence indéfinissable de l’état des choses : une réalité singulière, invisible et silencieuse, donc imperceptible.
Il rappelle à la fois l’Esse des latins sans lequel il ne serait point d’espèce ni d’essor de l’Être, le « Es » des germaniques (que les psychanalystes français traduisent par le « Ça », prononcé « sa » en en inversant la syllabe) qui distingue le pronom neutre des pronoms masculin et féminin, l’Ace que les ases anglo saxons empruntèrent aux romains, comme le « S » des Esséniens de Jésus, et celui de la Sila des inuites : l’esprit de l’Être, tout à la fois intime et infiniment éloigné de l’humain, dominant l’univers.

Le phonème « S » nomme en ce sens, selon l’a priori culturel, une réalité surréaliste ou surnaturelle, imperceptible par l’Homme mais néanmoins objet de la quête de Savoir du Sujet, à la recherche du Soit et de la Sagesse, et dont l’orient imaginait qu’elle présidait dès la première Seconde de sa naissance dans le temps, à la dimension matérielle de la réalité visible et perceptible dans l’espace. Racine en a fait à ce titre en français le symbole de l’allitération : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ».

Il suggère de SiTuer, à l’instar de l’Indus, la singularité d’une « SaT (iva) » indéfinie : une dimension supérieure et sans forme, à la fois distincte du monde enchanté de la divinité et opposée à la totalité du « Mat » de la matérialité perceptible par l’Homme ; il rappelle à ce titre la dénomination de la Satya-Vati du Mahâbhârata de l’Indus, dont la naissance mystérieuse date le début d’un univers des hommes distinct du monde enchanté de Vichnou et Shiva, et celle de Santanu, son époux, patriarche d’une lignée querelleuse destinée à régner sur cet univers.

A l’image de l’Egypte, il renvoie au Set, le trône d’Iset-Isis et d’Oser-Osiris, qui leur donnait une assise et un support sans lequel l’un ni l’autre n’auraient été en mesure d’accéder au statut de la divinité ; et à l’image des celtes, il renvoie à la « Sid » qui nommait la dimension parallèle surréaliste à laquelle l’élu celte avait accès en permanence dés lors qu’il était un héros guerrier. Dit avec les mots de l’Indus, il nomme les Siddhi, ou la capacité des initiés (Sidharta) de surmonter les limites et les contraintes imposée par la matière pour éprouver l’expérience du Soit de l’Être.

Il renvoie surtout, comme les langues sacrées le suggèrent à leur tour, à une réalité mystérieuse à la Source de la réalité visible et matérielle, à l’image de l’Indus qui nommait à ce titre le frémissement d’une SPhère dont le centre serait partout et la circonférence nulle part, ou à celle des hébreux qui ont ainsi nommé le Soph secret et non fini de l’aïn Soph de l’arbre Séphirotique, inconcevable ni identifiable par l’esprit humain, qui serait au cœur de la totalité de la matière sans être pour autant matériel.

La consonne sifflante du son « S » qui initialise la Splendeur du Spiritu des latins (l’esprit des français), renvoie à une base du proto-langage indo-européen « Sai ».
Elle contribue à nommer une somme ou un socle mystérieux et informels (donc un lien), inconnaissables et non finis, à la source du lien physique qui permet le phénomène et préside à la manifestation forcement limitée de la surface matérielle de l’état des choses : une essence (S) par définition immatérielle et singulière, du lien physique (Ph) qui permet la matérialité de la nature et en unit sa pluralité, donc en assure sa solidarité - soit : « eSSe » et « Ph », ou « SPH » -,

Elle distingue ainsi la Source essentielle, du Lien physique qui en est iSSu et unit le matériel, qui est nommé en revanche « Ph », avec la consonne « F » qui initialise la Phusis - la Nature des grecs - ou le Fiat des latins (les textes en vieux François associaient à ce titre les deux consonnes sifflantes « S » et « F », en substituant régulièrement le « F » au « S » ; cf ci après le phonème « Ph »).

Elle rappelle en ce sens, et aussi bien, le dessin du Taïji Tu des taoistes, , Symbole du lien de la bipolarité du Yin et du Yang, qu’il Sépare et Synthétise à la fois, que le symbole du « Samek » des hébreux, qui le figurent sous la forme d’une circonférence mal dessinée (), symbolisant le cœur d’un tronc d’arbre ou la coupe de l’os d’un Squelette; et elle est associée en ce sens au « V », avec lequel elle nomme en français la SèVe de l’arbre de la grâce, sans laquelle il ne serait de vitalité ni de volonté d’être, et dont le Sujet, à l’image du Sanson repenti, tiendrait son éventuel Salut.

Le sème « S » est donc essentiel pour le linguiste et pour le philosophe. La disposition de ce sème, au sein du mot ou au cœur de la dénomination mythologique, suggère doublement le parti pris culturel de la langue qui l’emploie :

En associant le « S » de l’essence au « K » de la cause primordiale de l’arbre de la nature, et en posant ainsi la syllabe « SK » et par métathèse la syllabe « KS », les langues expriment un choix philosophique :
Nommer Skanda, l’enfant mais aussi le sperme de Shiva, avec la syllabe « SK » à la manière de l’Indus, conduit à suggérer avec cette dénomination que l’essence précède la cause et le commencement; le Kaos pluriel est en ce sens issu d’une essence mystérieuse et singulière.
Nommer en revanche avec la syllabe « KS », Toxaris, le médecin des scythes ou l’Oxylus des grecs, conduit à suggérer le primat de l’existence; la cause précède alors l’essence. Dit avec le mot des grecs, le Kaos précède l’essence, et l’espace d’Ouranos et de Gaïa comme l’instant de Kronos/Khronos priment donc sur l’espérance, suggérée par une réalité essentialiste indéfinissable et mystérieuse, voire illusoire.

En nommant le « SPh » de la Sphère ou celui du Soph, les deux langues sacrées de l’Indus et des hébreux, qui nomment respectivement les Shiva et Vishnou de la première, et l’AiSh et le Sh’Ma de la seconde, suggèrent une essence à la Source de l’incarnation du Verbe, et associent sans les assimiler le son « S » de l’essence au phonème « Sh » du monde enchanté.
A l’inverse, la Grèce d’Hésiode, qui néglige le monde enchanté et qui nomme Sisyphe à ce titre en inversant les syllabes de la Phusis – La Nature -, en fait le symbole de l’absurde. Sisyphe (SPh) est destiné à rouler sa pierre sans succès car il inverse la démarche que propose la nature (PhS : la Phu-Sis des grecs) : à la phénoménologie qui lui imposerait de constater la Phusis, il privilégie – à tort selon la Grèce – la quête d’une essence inaccessible ; à l’inverse d’Œdipe qui s’oppose et répond au Sphinx (SPh) et condamne ainsi ce dernier à disparaître devant Thèbes, Sisyphe tourne le dos à la réalité de la nature physique et se perd dans une quête essentialiste absurde.

La langue française, à l’image et à la suite du latin, prononce aussi bien le « S » de l’essence et celui de la Sub-Stance, que le « KS » de l’existence, et elle les somme à dessein dans sa cohérence pour nommer le « SeXe » de l’existentialisation, et le « SiX » symbolique d’une transition de l’unité (un) à son renouvellement (neuf), au cœur du système duodécimal (des douze tribus d’Israël, des douze plaies d’Egypte ou des douze travaux d’Héraklès).

Elle témoigne cependant de la singularité de son pari culturel en s’inspirant des langues sacrées : Elle s’inspire du « S » du « Su » sanscrit qui désigne le Suprême (le Soleil rayonnant est nommé en Inde Su-Rya de même que la Soraya arabe renvoie à l’étoile) pour dire ce qui est supposé être Sacré, Sublime, Superbe, et Supérieur à notre condition matérielle (le Su-Tra du Kama Sutra de l’Indus, et le Su-Pra du Soprano, au dessus du paru des latins – Su-Pra -); voire elle fait du Sid arabe des soufistes musulmans son Cid.
Elle s’inspire de même du « Soph » hébraïque qui nomme l’infini des « Sephers » de Moïse, et du « Seth » biblique qui renvoie au « S » du Sat et au Th du mystère, pour louer la Sophia – la sagesse de la philo-sophie de Py-Thagore et de Sopho-Kle -, ou pour mettre en perspective le Soi et cette Sagesse.

Héritière de l’Inde par son étymologie latine la langue française dit donc ainsi le « Saut », « l’eSSor » et le « Salut » pour désigner l’essai d’une élévation vers un plan supérieur (un Sommet à l’image du Sumeru de l’Indus), et son verbe Être se conjugue symboliquement à la première personne : du « SuM » latin qui associe le « S » essentiel et infini et le « M » de la matière, par définition limitée, la langue française a fait les je « Suis » du « Sujet » ( le Sub Jacere des latins) ou nous « Sommes », qui nous situent, Semblables, au sein d’une Solidarité (que la langue anglaise ne conçoit ni ne nomme!), qu’elle conforte avec le « Si » essentialiste des latins à la différence du « Oui » du bien entendu.

Sa cohérence contribue en ce sens à distinguer la croyance en un credo, de la conviction essentialiste du Sujet (les chrétiens esséniens inspirés par le latin disent en français « le fidèle »), dont le Soi personnel se confond et se Soumet, avec et au Sein d’un Soit essentiel, universel et Singulier qu’il extériorise (Le Sub Jacere, Subjectum latin, renvoie en ce sens à la fraternité au sein du corps du Christ par l’Eucharistie grecque).
Hors toute Sotériologie (le salut de l’âme des catholiques) elle suggère, à l’image du Sidharta de l’Indus, le risque de la « tentation d’exister » (l’expression appartient à E.Cioran) naissant de l’exigence que fait naître l’expérience de l’existence pour ce sujet ; la Sainteté spirituelle orientée par la quête de l’essence est en ce sens associée phonétiquement à la Santé corporelle et à la manière de penser (Mens Sana in Corpora Sano), et le salut moral impose en conséquence une ascèse et une santé mentale.