Prononcer le Mantra « AWM » (voir « Mantra » dans la syllabe M), la monosyllabe primordiale de l’Indus, revient à se fier à Lakshimi ( la Shri rayonnante) la parèdre de Vishnou, et à émettre ainsi (ou à tenter d’émettre !), le même son que celui qui s’échappe de sa conque marine enchantée (Shan Ka, destinée par définition à offrir le « Ka » primordial) : une syllabe symbolique (Aoum) sommant toutes les autres, nées de Shesha l’éternel avant même que ne parut la Parole, qui parut et continue de paraître grâce à la lecture orale et à l’illumination de Lakshimi.
La monosyllabe AWM renvoie à ce titre à l’éternité, mais aussi à l’origine et au devenir d’une onde primordiale Nou, donc à sa durée, sa fréquence, et son mouvement: elle somme ce qui fut dit et ce qui sera dit, rappelant aussi bien l’affirmation de Bhartrahari, selon lequel le langage serait pré-locutoire parce que la représentation orale serait liée de toute éternité à l’objet, que celle d’Abbinavagupta, selon lequel le langage serait en réalité génératif, donc à l’origine de nos mots.
AWM est en ce sens le mantra primordial de l’Indus, parce qu’il somme tous les sons ou tous les phonèmes éternels nés ante ou à venir, donc symbolique d’une éternité, mais aussi en conséquence parce qu’il renvoie au mouvement né de l’illumination et de l’animation de la lecture par Lakshimi (Shri) du monde enchanté du Shesha.
Il est pour l’Indus le son primordial issu de la Conque enchantée à l’origine de l’existence : un Verbe (les anglais diraient Word) ou une Vibration, de nature à générer le possible d’une unicité parfaite entre celui ou celle qui le chante et son environnement, et il est à ce titre le son prononcé avant tout exercice de méditation. En prononçant AWM, l’être humain - à l’image de Kunti et de Madri qui enfantèrent grâce au mantra qu’elles adressèrent aux divinités enchantées -, s’associe et s’assimile à la nature et au mouvement de l’Ëtre qui l’anime : en expirant le son « A » bouche ouverte, puis le son « Oum », bouche fermée, il s’intègre à l’unicité de son uni-vers en effaçant l’illusion de son ego, pour ne faire qu’un avec son entour (l’Être) et, dans le meilleur des cas atteindre le Nir-Vana. Dit avec les mots français, il est destiné à unir (synthétiser) l’être particulier de la personne avec l’Être universel.
Si l’AWM de l’Indus constate l’unicité des réalités visible et invisible de l’univers, et permet quand il est prononcé de se situer en osmose au sein de cette unicité, l’AWR hébraïque (non éloigné phonétiquement du Ahura des perses) nomme pour sa part l’Aurore, donc l’illumination et l’origine rayonnante de ce même univers; il suggère en conséquence une dualité. La parole de Moïse révèle en ce sens avec le « W » de son phonème « Vaw » la manière dont Ihavé a « couvé », dans l’attente de sa manifestation, l’œuf paru avec la lumière rayonnante d’Aour (A-WR) puis la volonté de la vie d’Haewa, et par extrapolation le mouvement ou l’animation qui mena au fait – Fiat – existentiel, à son arborescence et à sa pluralité :
En énonçant : « Yhy Awr Wyhy Awr » (le « Fiat lux et facta est lux » des latins, ou le « Que la lumière soit et la lumière fut » des français) la genèse de Moïse rappelle à cette opportunité la double ambiguïté du « W » du phonème « Vaw » des langues sémitiques : à la fois « V » et « W », mais aussi et surtout semi voyelle et semi consonne dont la particularité est de signifier l’avant et l’après.
Elle emploie le « W » conversif des hébreux qui signifie aussi bien le préalable que l’accompli, le passé (né ante antérieur) que le fait - donc l’ultérieur -, selon la disposition retenue dans la façon de situer un mot.
Elle nomme ainsi et à la fois ce qui était et ce qui en est résulté (« que la lumière soit », puis « et la lumière fut »), distinguant et associant à cette opportunité un monde enchanté et singulier, et un univers existentiel et pluriel qui tient du premier son origine, son animation et sa lumière (Aour).
Elle nomme également avec le même «Vaw » le nom de Dieu : YHWH (le tétragramme des grecs et notre Ihavé), par définition né ante, dont Moïse rappela dans son commandement qu’il était imprononçable et à ce titre en interdit la prononciation, rapprochant ainsi à dessein le YHWH du nom de la divinité de la formulation primordiale du Wyhy AWR rayonnant du Fiat Lux.
A l’AWM de l’Indus et à l’AWR des hébreux, la Chine de Lao Tseu et le mythe nord européen opposent respectivement le Wu ji des uns et le Wodan des seconds, prononçant à cette occasion le « W » sans l’entonner avec le « A ».
La première nomme ainsi l’éternité d’un mouvement permanent qui engendre, ou dont seraient issus le Dao, les Xiang existentiels, et le Bagua de la manifestation : elle signifie ainsi que le mouvement originaire témoigne par définition d’une bipolarité animant la Totalité de l’univers.
Les seconds nomment avec Wo-Dan un symbole omniscient, que les méditerranéens assimilent à une divinité, mais qui est néanmoins mortel et destiné à disparaître avec son univers : à leur tour ils renvoient ainsi au mouvement d’un « TouT ».
Chinois et Nord Européens emploient en ce sens une base indo européenne polymorphe « Webh », initialisée par le son « W », renvoyant à la notion de manœuvre, donc aussi à celle de l’œuvre ou de l’ouverture (Work), et plus particulièrement au mouvement de la navette nécessaire à la fabrication (son tissage) de la toile – Web -.
La langue anglo saxonne, exprimant une culture sceptique a fait à ce titre de ce son « W », l’initiale de ses mots renvoyant au mouvement. Dans sa cohérence culturelle, elle complète en ce sens avec les mots structurés avec ce phonème, les mots structurés avec le « B » du Beginning : les pronoms et conjonctions Who, What, When, Where, voire How et « With » complètent les Be Born, les Become, Beware et autres Belong.