A l’image d’Europe, la princesse de Tyr (TR, donc issue d’un au delà), séduite mais surtout métamorphosée par le taureau Zeus lui même métamorphosé, qui la « déplia » (ou la déploya) en l’animant, - symbolisant à cette occasion le passage de l’Hellespont par la Tradition -, les mythes scythe et celte de l’Europe orientale, renvoient à la tradition qu’Europe emportée par Zeus importa sur son continent d’adoption, et à ce titre, à une cosmogonie initiale envisagée comme résultant de la transformation d’une matière animée.
Georges Dumézil a rappelé en ce sens que l’un et l’autre mythes furent un « intermédiaire entre les sociétés orientales, et celles (qui ont muri jusqu’à) de l’extrême occident », mettant ainsi en perspective la filiation mythologique de l’Europe centrale et orientale, dont il rappelait qu’elle tenait son origine de l’orient.
Les dénominations des héros des récits Scythes et Celtes rappellent en ce sens que ceux ci s’inscrivent dans la perspective latérale dessinée par un arbre de la nature, en l’occurrence un arbre de la matière existentielle (KS), et par un « Être » en devenir, en l’occurrence un « To Be », plus qu’ils renvoient au moinde enchanté d’un arbre de la grâce :
Les récits des Skolotoi (les Skuthai / Scythes des grecs du nom de leur roi) dont la dénomination renvoie à la syllabe « SK », témoignent en ce sens d’une culture du discernement plus que d’une vénération du verbe enchanté:
Aux héros métaphysiques des mythes antiques ils ont opposé l’homme existentiel : à Asclepios (SK), le divin médecin foudroyé par Zeus pour avoir découvert le secret de l’immortalité, ils ont opposé Toxaris (KS) le médecin humaniste et existentiel des scythes, traditionnellement représenté avec un arc dans sa main gauche et un livre dans sa main droite;
A l’enchantement du Verbe de Shiva, ils ont opposé le Zond (ZD, qui rappelle le Zend des Zorosatriens) de ce même Toxaris et des Alegate (la première famille des Nartes dont le nom rappelle le Legein des grecs), désignant une intelligence plus proche du discernement rationnel que de l’intuition d’un Verbe enchanté.
Kola-Xaï (KL-KS), l’e-Xsertegkatte (KS) (du nom de la deuxième famille des Nartes), le plus jeune des enfants de Targitaos, dont le nom renvoie au guerrier (la bravoure se nomme : aexar) et rappelle le Ksatra de l’Indus (son stratège) au cœur du Ny-Xias des scythes (leur Nexus social) situé entre l’ARa-Xe et le Borysthène, s’inscrit donc dans cette perspective : il est le roi légendaire des scythes pour avoir été en mesure de s’emparer des objets d’or tombés du ciel (la hache, la charrue et la coupe) et tient sa légitimité d’une situation originale plus que d’une arche originaire.
Les aventures des Keltoï (les celtes nommés par Hérodote) dont la dénomination renvoie à la notion d’éclat (KL-LT) mais aussi symboliquement à celle du dissimulé (à l’image de Kalypso), témoignent de même pour leur part, d’une culture de la magie éloignée, voire opposée à celle du verbe enchanté :
Konn le roi celte qui eut la faculté de connaître le « Sid », le monde parallèle avec lequel la réalité perceptible communique en permanence, comme KuChuLainn, l’Hercule celte héritier du Lug solaire qu’on associe symboliquement au chien (son nom initial Setanta ayant été abandonné pour nommer « le Chien de Culann ») à l’image du Kola-Xaï des scythes, se situent l’un et l’autre dans une Totalité, au sein de laquelle les garden (Jardins) des réalités manifestées et non manifestées se côtoient, seulement séparées par un gardien (le cheval de Kola-Xaï, ou le chien de KuChullainn) ou un Chérubin posté sur un pont arc en ciel.
A Héraklès (KL), destiné à se nommer lui même à Némée pour s’élever par son Triomphe et son Apothéose et rejoindre ainsi Hera sur un Olympe réservé aux dieux, ils ont opposé Kuchullain (KL) l’enfant de Konhor, le héros celte destiné à mourir, et Loki (LK) le héros scandinave qui pose sa propre lecture de l’univers – une élucubration, ou, dit en espagnol, una locura - quitte à périr avec les dieux au moment ou disparaît le lustre (KL) de la lumière et la lecture que permet son éclairage.
A l’image du mythe perse d’avant Zarathoustra tel que Nietszche l’envisagea, les mythes Nord Européens affichent leur scepticisme au regard de la divinité et du surnaturel : ils intégrent une dimension parallèle surréaliste au sein d’une totalité matérielle que les héros mortels, à l’image des rois mages de la Perse antique, connaissent en franchissant magiquement la frontière qui définit les deux dimensions de la réalité.
Ils occultent aussi bien la révélation d’une Parole divine (Nietszche qui fut Philologue autant que Philosophe, évoque en ce sens une « Généalogie des mots ») que l’intelligibilité Platonicienne de l’univers ; il affirment en revanche l’illusion (l’Inde dirait Maya) d’une matière plastique (au sens grec du terme plastikos), dont la cause serait la lumière elle même (le soleil est Lug) issue de la matière, qui contribuerait à une métamorphose dans un temps dont la mort ne serait qu’une étape.
Macha, Mae-Va (Mebd) comme Morgane, à l’image de la fée Viviane accompagnant Merlin, rappelaient en ce sens aux héros celtes qu’ils étaient au cœur d’un tout matériel qu’elles animaient en permanence et dont elles étaient la source (en l’occurrence, un puit symbolique ou un lac) de la vie.
Dit avec les termes du mythe pré-zoroastrien des perses rapporté par le « Bundahishn », la mythologie de l’Europe Orientale a consacré l’animation (le Zu du Zend) du non fini originel dans le temps, « Zu-Rvan AK-aRa-Na », et le principe de tranformation (la Ma de Maeva) dans l’espace, « Ahu-Ra-Ma-Zda », d’une Totalité matérielle auto-animée et auto-engendrée (Mythra), dont les deux dimensions seraient à la fois liées et séparées par un pont arc en ciel, « China-Wad » (le « Bi Frost » des scandinaves), et dont l’évolution progressive se développerait en fonction d’une gestation temporelle, dont Gayomart (le mortel), le premier homme des perses, serait le symbole.
Elle s’inscrit ainsi dans une perspective renvoyant au constat supposé des perses pré Zoroastre, refoulant, à la différence des récits asiatiques ou méditerranéens, l’esthétique intelligible au profit d’un pragmatisme réaliste, et suggérant une totalité unitaire au détriment de l’unicité d’un univers structuré à la fois par l’essence des choses et la manière dont celles ci se manifestent ou paraissent.
Scythes et Celtes ont ainsi retenu la dimension Matérielle et Motrice de Mazda et Mythra les perses, la bi-dimension d’une Totalité matérielle plastique Métamorphosée par le mouvement qu’elle met elle même en œuvre, la Magie de ses héros (distincte du Mana des Muni indiens et des Sha-Manes), et la limite dans le Temps qu’impose sa mort à un univers par définition limité par sa propre matière dans le temps.
A l’image des druides celtes et gaulois, la magie y renvoie donc au « B » de Belenos, divinité de la lumière irradiant la nature matérielle qui rappelle le Bundahishn perse, et de Belisama, sa parèdre féminine, les deux divinités solaires de l’artisanat et des beaux arts permettant de faire paraître une sur-réalité parallèle.
Elle rappelle qu’il n’est qu’un « Être » : le « To Be » des anglo saxons. Dans le même esprit, le mythe scandinave a fait de Baldr le fils de Wodan, destiné à être assassiné pour porter la vie, le vecteur de l’éloquence qui porte la parole au delà des limites imposées par le crépuscule des dieux. Dit avec les mots de la légende irlandaise les mythes renvoient symboliquement à un combat primordial entre les Fir-Bolg de Balor et les Thuatas et à la désignation d’un premier roi : Bres, époux de Brigitte, puis à la prise de pouvoir du celte Brian.
Le mythe de l’origine du mythe européen
Quoiqu’elle soit mal connue en raison de l’absence d’une documentation précise (et perdue) autre que les commentaires de Zoroastriens, la mythologie perse originelle, dont Zarathoustra s’est inspiré pour ses Gathas (ses poèmes), renvoie à l’astrologie et se présente comme un constat prenant la forme d’une allégorie, légitimant ainsi l’affirmation de Nietszche selon lequel il ne serait pas de divinité (Dieu est mort).
Elle relate sous une forme imagée l’apparition de la lumière qu’elle désigne sous la dénomination d’AhuRa-Mazda (dans laquelle elle emploie le « R » du rayonnement et le « Z » de la métamorphose qui s’en suit), et celle de l’obscurité sous la dénomination d’Angra Mainyu, qu’elle envisage issues d’un non fini originel, « Zur-Van A-Ka-Ra-Na », et dont elle constate qu’elles furent ensemble à leur tour à l’origine d’une illumination provoquée (ou provoquant) par les douze constellations du ciel astrologique.
Elle fait à ce titre de Ma-Zda le principe de la lumière, et de Mainyu celui de l’obscurité ou des ténèbres, et de sa cosmogonie une suite des présences alternatives de l’un et de l’autre, chacun précédant et succédant à l’autre en vertu de la métamorphose imposée par le pli du « Zu » originel du Zodiaque.
Elle distingue en ce sens deux périodes d’un cycle duodécimal en permanent renouvellement, au cours des quelles le non fini prend une forme bornée ou bordée (c’est le sens du mot Bundahishn qui intitule le récit perse) :
- la première naissant avec le printemps symbolisé à cette époque par le signe du Taureau Geushr-Van (lui seront ultérieurement substitués le signe du Bélier, puis celui des Poissons), au moment de l’équinoxe du printemps, et à l’opportunité de laquelle paraît la période du paradis et des pâques païennes;
- la seconde, à l’inverse, naissant à l’occasion de l’équinoxe d’automne, au moment du signe du Scorpion et plus précisément de celui du Serpent (lui sera substitué ultérieurement le signe de la Balance, puis celui de la Vierge), à l’occasion de laquelle l’univers traverse une période de ténèbres, dont le solstice d’hiver marque le jour le plus court, donc le moins lumineux.
Représenté comme un jeune homme, le genou sur un taureau à terre symbolique, mordu par un scorpion, entouré de deux hommes portant leurs flambeaux, allumé ou éteint, symbolisant respectivement la jeunesse printanière et le déclin de la vie, Mythra est à ce titre le Maître donc le Seigneur : une représentation de l’arbre de la nature, et une figuration des deux périodes majeures et successives du système duodécimal du zodiaque. Il est la représentation d’une métamorphose avant d’être celle d’une divinité, et celle d’une évolution de la nature matérielle de l’univers avant d’en être une incarnation.
Il figure la lumière naissant à l’opportunité du solstice d’hiver et destinée à éclairer et chauffer l’univers, jusqu’à son épanouissement printanier à l’équinoxe de printemps (le jour égal à la nuit), la moisson qu’elle permet, et son déclin dés l’apparition du serpent ou du scorpion à l’équinoxe d’automne.
Il date ainsi le mythe originel iranien, en faisant du signe du taureau le moment de l’équinoxe printanière, et il rejoint à cet égard le mythe de l’Indus, dont Shiva le structurant enchanté est également représenté par ce même symbole, le mythe égyptien dont Apis symbolise la puissance de la production, comme le mythe crétois qui fit de Pasphaé l’amante du taureau, rappelant la précession qui conduit à définir le point vernal de l’apparition du soleil en fonction du zodiaque.
Il rejoint aussi à ce titre les autres héros ou figures mythologiques du Seigneur Invictus: le serpent Shesha de l’Indus dont le sommeil puis l’éveil précèdent la résurrection de la vie, le serpent Apophis des égyptiens contre lequel se bat le soleil Ra, Guilgamesh auquel le serpent vola l’elixir de jouvence, l’Ouroburos gréco égyptien symbole de mort et de résurrection se mordant la queue, Jormungandr le serpent scandinave qui enserre les mondes à l’opportunité des Ragnarock, la femme-serpent ancêtre du peuple scythe de Nartes, Lébé le dogon africain ressuscité sous la forme du serpent, ou bien encore celui qui fit chuter Eve, qui rappellent que la Grèce fit du caducée d’Asclepios le symbole du médecin.
Le Bundahishn des perses (que les langues européennes traduisent, faute de mieux et sous l’influence d’une culture judéo chrétienne, par « Création ») dont la dénomination rappelle au moins phonétiquement le Bindhu de l’Indus est le symbole d’un Ein-Aï, un Être-Etant dans sa totalité bi-dimensionnelle: un « Being ». Il induit en ce sens une culture de l’action qui se distingue de la culture de la sagesse de l’Asie et de la Méditérranée, que les mythes scythe et celte ont exprimée à leurs manières en proposant des récits orientés d’abord par l’absence de divinité ou de dualité, et dictés au contraire par le culte de l’action de l’Homme au sein de cette totalité : soit qu’ils aient figuré une Araxe et un Borystene limitant (bordant) le territoire de la réalité perceptible existentielle des scythes à l’image d’un Akarana perse, soit qu’ils aient nommé une Macha, une Mebd (Maeva), et une Morrigane, sources de l’existence d’une matière lumineuse à l’image d’un Mythra.
Selon le mythe scandinave, l’origine de notre univers est un gouffre abyssal, Guinnungagap (GN) né de la confrontation du chaud sudéen de Muspellsheim (M) et du froid nordique Nilfheim (N), dont les bords donneront naissance à un arbre Ysmir, puis au mouvement et à une divinité Wo Dan, destinée à mourir.
A la différence du mythe asiatique cette confrontation ne tient pas son origine du Verbe enchanté ou de son mouvement, mais à l’inverse, elle en est l’origine : la trinité des Wodaz (Wodan, Ve et Vili) symbolise à ce titre le Vivant et la Volonté de Vivre née d’une succession de métamorphoses issues du Guinnungagap.
A la différence du mythe grec, les scandinaves ont en ce sens privilégié la Gestation d’un Guinnungagap au Kaos : Celle ci est est à l’origine du monde du givre des géants et de celui des ases et des vanes, donc aussi à celui des hommes.
L’Y-Gdrazil, l’arbre des neuf mondes qui achève temporairement la transformation entamée après la catastrophe du Guinnungagap, est le symbole d’une totalité matérielle en évolution, dont les racines sont orientées vers le bas et non vers le ciel, et dont chaque branche symbolise un royaume par définition lié aux huit autres, et non séparé.
Ce n’est pas une unicité bipolaire qui caractérise le mythe scandinave mais une Totalité finie, matérielle et autonome symbolisée par un arbre, au sein de laquelle, Géants, Ases et Vanes se disputent leurs territoires et leurs pouvoirs, jusqu’au jour du crépuscule des dieux des Ragnarok : a « Whole », qui la nomme en rappelant la notion du mouvement du Wou du Verbe asiatique, mais en contestant celle de divinité céleste des méditerranéens, et en substituant à cette opportunité la mortalité à l’éternité et à l’immortalité (Seule de toutes les familles mythologiques, l’Edda nordique a fait à ce titre de ce que la méditérrannée nomme une divinité, un dieu mortel - donc ni éternel, ni immortel - bouleversant à nouveau la manière d’envisager la catastrophe originelle).
A l’image du récit des perses d’avant Zarathoustra, cette gestation se termine par la victoire du serpent qui enserre le monde et l’assassine avec l’aide de Loki au moment des Ragnarok.
Le mythe scandinave
La catastrophe originelle de l’Edda des scandinaves est un Guinnungagap (Gap Var Guinnunga). Comme le mot l’enseigne, il n’est pas de « R » de l’origine, mais seulement la gestation (G) d’un gouffre abyssal né, non pas d’une arche enchantée (l’arka de l’Indus), mais d’une confrontation entre l’ombre et le froid de Nifhleim, et la lumière et la chaleur de Muspellheim.
La Matière est issue de ce gouffre sous la forme d’un premier arbre symbolique « YsMir », né de la source Hvergel-Mir au cœur du froid et de l’obscurité, figurant la première manifestation organisée, et dont la dénomination rappelle aussi bien le « YaMa » des perses que celui des jumeaux de l’indus.
Et la vie biologique (To Be) est issue des œuvres de la chèvre Audhumla, qui révéla Burr, dont la descendance (Wo Dan, Vili et Vé) aura raison de Ysmir qu’elle assassinera pour donner naissance à son tour à un nouvel abre universel symbolique : l’Yggdrazil, et par la même occasion à l’Ask de l’humanité.
La cosmogonie scandinave (ask) est avant tout le récit de la gestation de cet Iggdrazil : le dépeçage d’Ysmir, dont les éléments constituèrent l’univers commun des géants de la force brute, des ases magiques, et des vanes de la fertilité ; l’organisation de la totalité de ce frène des neuf mondes, dont la source ou le puit est sous la surveillance des nornes (Ourd, Verdandi, et Skuld), au sein duquel chacun trouve son propre garden (As-gard, Mid-gard, comme Out-gard, entre autres).
Il n’est pas donc pas de surnaturel, mais une seule réalité (une Totalité) bi dimensionnelle. Le monde des hommes (Midgard) est séparé de l’Asgard, le monde des dieux supposés, par un pont gardé par le héros Heimdall : le Bi Frost, qui ne peut être franchi que par les héros destinés à intégrer la Wahalla de Wodan et y retrouver ses Walkyries (et ses sangliers…).
Il n’est pas non plus de divinité éternelle. Le dieu symbolique supposé Wo Dan né du monde du givre avec ses frères et sa descendance sont destinés à mourir au moment des Ragnarok, quand disparaitra le frêne Iggdrazil, dont la gestation sera interrompue par la traitrise de Loki et les œuvres du grand serpent Jormungand.
(A l’initiative de Loki, l’univers est définitivement destiné à disparaître, emportant avec lui ses dieux et le lustre de sa lumière et de son existence (Leuk), à l’exception symbolique de Baldr, l’éloquent, de Vidar et Vali les deux frères de Baldr vecteurs de la permanence de la Vie, et de Modi et Magni les deux héritiers du Thor de l’étendue à renaitre éternellement).
Il n’est donc pas non plus de réflexion d’un monde éternel. Heimdall, la sentinelle gardant le Bi Frost se porte garant du passage d’une réalité vers une sur réalité et non une sur nature, de même que Thor est en mesure de franchir les frontières des deux réalités. Géants, Dieux et Hommes sont les membres d’une même totalité au sein de laquelle la sagesse est seulement dans l’action (en l’occurrence le combat) puisqu’il n’est pas d’éternité ni d’ideal à réfléchir.